Le Sénat alerte sur l'insuffisance de contrôle des crèches et son inégale efficacité
Par Emmanuelle Stroesser
La mission d'information créée par la commission des Affaires sociales du Sénat sur l'efficacité du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant est une suite de plus donnée aux révélations du livre de Victor Castanet en septembre 2024 sur les pratiques des crèches privées.
Les sénateurs ont décidé d'élargir leur champ d'observation à l'ensemble des établissements, publics comme privés. Ce qui, au passage, satisfait la Fédération française des entreprises de crèches, soulagée de n'être pas la seule dans le viseur du Sénat. Mais ce ne sont pas tant les gestionnaires qui sont visés par les travaux des sénateurs que les autorités chargées de leur contrôle. À savoir les CAF, les PMI (département) et l'État (inspection du travail, répression des fraudes, vétérinaires).
« Sous-dimensionnement »
Ce que les sénateurs ont découvert, c'est un « sous-dimensionnement chronique des effectifs, que ce soit au niveau des CAF, des PMI ou des services de l’État », résume Laurence Muller-Bronn, sénatrice (LR) du Bas-Rhin, l'une des trois rapporteurs qui présentaient jeudi dernier leurs conclusions face à la presse.
L'élue cite à l'appui plusieurs chiffres. Les CAF n'ont contrôlé que 17 % des établissements, et ne mobilisent que 167 personnels en équivalent temps plein (ETP), « beaucoup trop peu ». Pas mieux du côté des PMI – voire pire puisque les sénateurs n'ont pu obtenir aucune donnée, ni même une estimation. Chacun s'est donc tourné vers son département. Dans le sien, Laurent Muller-Bronn explique que « la PMI est dans l'impossibilité de contrôler correctement les structures et se contente de répondre aux alertes, une centaine par an, étant occupée par ailleurs par d'autres missions ». Restent les services de l'État, « quasi invisibles sur le terrain », n’en ayant « tout simplement pas les moyens ».
Le tableau brossé par les sénateurs ne surprend donc pas : « forte disparité » des contrôles, « défaut de pilotage et de supervision », un « contrôle trop hygiéniste ou administratif, laissant peu de place à l’accompagnement et au conseil des équipes » … Les sénateurs regrettent également que ces contrôles, lorsqu'ils existent, manquent de cohérence sur les normes exigées, ou simplement de références juridiques (certains décrets manquant toujours depuis plus de dix ans), et ne portent pas assez sur l'évaluation de la qualité de l’accueil.
15 recommandations sur la table
Pour les sénateurs, il faudrait « des règles claires et propres à l'ensemble des établissements quels que soient leurs statuts juridiques ». Et donc « une grille nationale avec des éléments objectivables et des fiches d’auto-analyse pour les établissements », précise Olivier Henno, sénateur (centriste) du Nord. C'est l'une des 15 recommandations rendues par la mission d'information.
Face au manque manifeste des moyens dédiés à ces contrôles, les sénateurs ne demandent pourtant pas forcément de l’argent en plus. « Avant de mettre des moyens supplémentaires, il est possible de rationaliser et réguler les contrôles, notamment par la certification », justifie auprès de Maire info Philippe Mouiller, sénateur (LR) des Deux-Sèvres et président de la commission des affaires sociales.
Les sénateurs préfèrent insister sur la « coordination » à organiser entre les autorités de contrôle, à l'échelle nationale comme aux échelles départementales, « car le manque actuel d'échanges provoque une déperdition de moyens ». Un point déjà en partie résolu par une disposition de la loi pour le plein emploi créant le service public de la petite enfance, qui prévoit qu'un plan annuel d'inspection et de contrôle tripartie (État, département-PMI et CAF) soit mis en place. Mais ce décret d'application est toujours en attente de publication (lire article ci-contre). Lors de l’examen de ce projet de décret au CNEN, l’AMF avait d'ailleurs plaidé pour que les communes, nouvelles autorités organisatrices, soient associées à ce plan et qu’elles soient informées en temps réel des bilans des contrôles réalisés afin de leur permettre d’exercer au mieux leurs nouvelles missions, en particulier la mission d’information aux familles.
Les sénateurs préconisent également que certains contrôles (par exemple les référentiels bâtimentaires) puissent être confiés à des organismes tiers. Une préconisation reçue avec circonspection par l'AMF, inquiète que ces certifications – aujourd'hui gratuites – entrainent de nouvelles dépenses à la charge des gestionnaires de crèches, ou des risques juridiques.
Une autre proposition reçoit en revanche l'aval des maires : que la Cour des comptes puisse exercer son contrôle sur les groupes de crèches privées, « comme cela avait été fait après le scandale dans maisons de retraite privées », justifie la sénatrice (socialiste) de Haute-Garonne, Émilienne Poumirol.
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